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Modelé glaciaire
Il faut commencer l'application pratique de ces belles connaissances par un cas bien particulier, lorsque l'eau est solide, ce qui donne le modelé glaciaire si différent de tous les appareils géomorphologiques basés sur l'eau liquide.
Selon cette figure tirée du livre paléoclimats, il y a eu un refroidissement global depuis 5.3 millions d'années (incidemment l'âge des éruptions massives de lave au Tibesti, cf infra).
Une cyclicité de l'insolation solaire d'environ 100'000 ans conduit à l'alternance de périodes glaciaires et interglaciaires depuis 500'000 ans. A un refroidissement graduel qui voit une proportion grandissante d'eau précipiter sous forme de neige succède un réchauffement rapide qui la fera fondre, occasionnant de nombreuses inondation durant une débâcle climatique de plusieurs siècles. |
Cette coupe schématique met en perspective la confluence de plusieurs langues glaciaires A, B et C. En montagne, lorsqu'une moraine latérale rejoint celle de la vallée voisine, elles forment une nouvelle moraine. La vallée originelle en V s'évase au fur et à mesure que la rivière de glace enrichie de fragments de roches et de sédiments plus fins la polit comme un papier de verre.
Les lignes de crête du Mont Reynier dans l'ouest des Etats-Unis sont soulignées en violet foncé, l'écoulement radial de la glace depuis le sommet permet à la glace de creuser des vallées de plus en plus profondes, laissant derrières elle des aiguilles déchiquetées par l'alternance de gel et de dégel pendant des millénaire, broyant la roche jusqu'à en faire une pâte collante dans laquelle flottent des galets striés en forme de fer à repasser. Contrairement au volcan de tout à l'heure, ici ce sont bien les chutes de neige qui donnent la forme en dôme à la glace qui va éroder cette montagne selon un schéma radial.
Dans cette synthèse magnifique de l'effet d'une glaciation sur une montagne, de Martonne montre un relief relativement important aux formes molles sur lequel s'accumule la neige lorsque commence la glaciation. Les formes deviennent encore plus molles durant la glaciation malgré l'érosion intense qui se passe en profondeur sous la glace broyant tout sur son passage.
Puis la glace fond, et il reste des aiguilles aux pentes raides, des vallées suspendues débouchant sur les vallées principales à des hauteurs variables et un placage morainique figuré en rouge-brun dans les vallées en forme d'auge.
Puis la glace fond, et il reste des aiguilles aux pentes raides, des vallées suspendues débouchant sur les vallées principales à des hauteurs variables et un placage morainique figuré en rouge-brun dans les vallées en forme d'auge.
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Pendant la déglaciation marquée par le fonte progressive du glacier vers le nord (lignes colorées numérotées de I à IV), l'eau qui s'est accumulée sous forme de glace pendant des millénaires doit trouver un chemin pour s'évacuer le long de chenaux temporaires (1) s'écoulant vers l'ouest. Elle est attirée par la dépression que l'inlandsis a créé sous son propre poids dans le bouclier balte. Lorsqu'il se met à fondre, la croûte terrestre s'élève selon le principe d'Archimède, ce qui modifie constamment le réseau hydrographique formé de rivières qui finissent d'ailleurs par se tarir au fur et à mesure que toute la glace a fondu. Après avoir été détournée vers l'ouest pendant des siècles par le front glaciaire au nord de Danzig, la glacier a fini par libérer l'accès à la mer et l'eau s'est alors mise à couler vers le nord .
Sur cette carte, la ligne de faîte séparant les divers bassins versant a été tracée en bleu. La profondeur à laquelle le glacier dont le centre se trouvait autour de cette ligne de faîte est indiquée par un code de couleur. Le rouge et le brun foncé correspondent à des profondeurs sous le niveau de la mer - le surcreusement juste au devant de la partie centrale du système glaciaire devrait maintenant vous sauter aux yeux... tout comme le creusement limité sur la plateforme continentale: le soulèvement de la glace lorsqu'elle se met à flotter sur la mer a fortement réduit son pouvoir érosif.
Une escapade québecoise s'impose ici pour illustrer le passage d'un lever de coupe sur le terrain à une reconstruction virtuelle des paysages disparus: A partir d'observations sur le terrain se construit peu à peu une colonne stratigraphique synthétique, séparant ici le socle de deux formations morainiques qui évoluent à leur tour en sol sous la forêt laurentienne. Le socle est uniquement soumis à l'érosion depuis au moins 550 millions d'années alors que la moraine superficielle s'est déposée il y a à peine 10'000 ans et ne subistera probalement pas au delà de quelques milliers d'années.
Puis survint une catastrophe écologique: la destruction extrêmemnt rapide du couvert végétal tel qu'illustré par une petite portion du Wisconsin, qui a vu le couvert forestier fondre de 85% à moins de 10% en 120 ans.
Les impacts sur le cycle de l'eau, à travers une augmentation massive de l'érosion des sols, et sur la biodiversité sont très importants. Un simple reboisement pour mettre en place un réseau de haies brise-vents qui serviraient aussi de couloir de distribution de la biodiversité est une mesure qui permettrait d'énormément réduire la vulnérabilité au changement climatique de cette région. Il est intéressant de comparer cette histoire récente à celle bien plus ancienne de la grande glaciation du Sahara. |
Tiré de Facies models 4, Noel P. James and Robert W. Dalrympie, Geological Association of Canada, GEOtext: 6, 2010
Lors de l'expédition scientifique dans le Sahara en 2013, nous avons pu mettre en évidence une séquence glaciaire complète vieille de plus de 500 millions d'années, avec ses galets typiques en fer à repasser. La découverte d'un tel affleurement - appelé invention en géologie, cela ne s'invente pas! - est évidemment un événement exceptionnel dans une carrière géologique. En l'occurrence, nous avons pu déplacer la limite de la présence de ce glacier de plus de 500 kilomètres vers le sud, là où la carte de LeHeron 2010 indiquait "few glaciological data".
Les études glaciaires se concentrent aujourd'hui sur les sédiments déposés dans les mers car ils représentent la grande majorité des dépôts de la cryosphère. Pourtant, même les articles les plus fouillés oublient de représenter un paysage avant et après la glaciation comme l'avait fait si brillamment de Martonne.
La science moderne s'est spécialisée au point qu'une synthèse ne jette plus un pont vers une autre science mais résume l'état de la recherche pointue que pratique un petit groupe d'experts sur un sujet précis. Comment appréhender le monde en sachant presque tout sur presque rien alors qu'il faudrait en contempler presque tout pour en comprendre un petit rien à chaque fois qu'on le caresse avec des yeux neufs?
La science moderne s'est spécialisée au point qu'une synthèse ne jette plus un pont vers une autre science mais résume l'état de la recherche pointue que pratique un petit groupe d'experts sur un sujet précis. Comment appréhender le monde en sachant presque tout sur presque rien alors qu'il faudrait en contempler presque tout pour en comprendre un petit rien à chaque fois qu'on le caresse avec des yeux neufs?