La musique recommandée pour cette section Pink Floyd, Obscured by clouds
Le climat
La plupart des illustrations sont tirées du traité de géographie physique, Emmanuel de Martonne, 6ème édition, 1940
Classiquement, les isothermes de janvier et juillet sont comparés car ils correspondent aux deux extrêmes climatiques de l'année. Ici, les équateurs thermique et géographique se confondent, la prépondérance des mers au sud empêchant un réchauffement marqué de l'hémisphère austral. Seul l'éxtrémité méridionale des continents accumule de la chaleur, ce qui se marque par des "patates" ou la température mensuelle dépasse 30°.
La comparaison entre la carte de de Martonne et une carte contemporaine combinant modèle numérique de terrain et polygones colorés met facilement en évidence la prétention d'une carte mal actualisée. En fait, ajouter quelques lignes rouges ou bleues auront suffi à mettre au goût du jour la carte ancienne.
La comparaison entre la carte de de Martonne et une carte contemporaine combinant modèle numérique de terrain et polygones colorés met facilement en évidence la prétention d'une carte mal actualisée. En fait, ajouter quelques lignes rouges ou bleues auront suffi à mettre au goût du jour la carte ancienne.
La représentation en 3D des Andes incite à penser que c'est leur présence qui expliquerait les températures plus basses le long de la côte, un regrettable recul par rapport à la géographie de Humboldt, dont le courant refroidit la côte ouest du continent sud-américain depuis qu'il l'a compris au dix-neuvième siècle...
Par ailleurs, le choix maladroit des couleurs donne l'illusion que -10° serait plus froid que -20°. Que de confusion autour d'une compréhension qui s'est perdue à force de vouloir communiquer à tout prix plutôt que comprendre le message à transmettre...
Par ailleurs, le choix maladroit des couleurs donne l'illusion que -10° serait plus froid que -20°. Que de confusion autour d'une compréhension qui s'est perdue à force de vouloir communiquer à tout prix plutôt que comprendre le message à transmettre...
La myriade de satellite observant sans cesse la Terre permet aujourd'hui de créer de jolies animations représentant la variation des températures moyennes avec un pixel de 1 km de coté et ces données sont toutes publiques. Cette image vivante n'ajoute-t-elle pas le seul élément qui manquait dans les cartes produites par de Martonne, une dynamique? Un développement avec des images actuelles se trouve dans la section cartographier le temps qu'il fait.
Ce sont les marins allemands qui ont permis de dresser les cartes les plus précises de pression et partant de direction des vents dont de Martonne propose ici une si belle carte. Il a suffi de surligner deux familles de contours pour mettre en évidence les dépressions et les hautes pressions typiques de janvier, les autres flèches s'organisant naturellement autour de ces traits.
Les cartes modernes ont bien sûr des couleurs attractives mais aussi des scories de marketing qui rendent inutilisables tout ce qui n'a pas été payé cash. Pourquoi payer pour une connaissance vieille de 100 ans ? Une simple mise en couleur justifie-t-elle son appropriation pure et simple? Oserais-je revendiquer la paternité de ces images parce que j'ai mis en évidence leurs qualités intrinsèques? Plutôt que de compter les étoiles comme l'astronome du Petit Prince qui veut toutes les posséder, je préfère les avoir au fond des yeux lorsque je plonge dans les belles synthèses graphiques qu'offre l'études des courants marins par de Martonne.
Foin de polémiques, la vraie question géographique qui devrait se poser ici serait plutôt de savoir si le mouvement de l'atmosphère suffit à expliquer la répartition des températures à la surface du globe terrestre. Ainsi, la dépression énorme qui se crée au-devant de l'Himalaya perturbe la circulation atmosphérique en Asie en attirant des trombes d'eau qui attaquent les montagnes les plus élevées du globe : c'est à cause de l'Himalaya qu'il y pleut suffisamment pour en imaginer son érosion complète dans quelques millions d'années, un soupir par rapport à l'âge de la Terre.
Lors de la dernière mission de préparation du prochain alunissage, les astronautes d'Apollo VIII ont pris cette image qui aurait profondément modifié la perception des Terriens de leur propre monde. Elle propose une visualisation radicalement différente de la circulation atmosphérique.
Il suffit de se rappeler comment Hergé, le créateur de Tintin, souvent si visionnaire dans ses dessins, imaginait la terre vue depuis l'espace. Aujourd'hui existe un globe virtuel synthétisant plusieurs milliers d'images satellite pour une image en temps réel de notre planète. |
Au tournant du XXème siècle, une carte de la pluviométrie était centrale pour tout raisonnement sur l'évolution des reliefs, et de Martonne a produit cette carte absurde des seules précipitations continentales, comme s'il ne pleuvait jamais sur les 70% du globe terrestre recouverts d'océans. Des données préciuses sur la pluviométie en mer manquaient, entre autre car elles étaient considérées comme secondaires par de nombreux géographes: de l'eau tombant dans de l'eau quel intérêt?
Incidemment, cette carte met en évidence le biais de la géographie vers les phénomènes terrestres au détriment d'une prise en compte suffisante des phénomènes marins. L'océan serait à l'inconscient ce que la terre ferme, dont la matérialité nous est plus directement accessible, serait au conscient?
Incidemment, cette carte met en évidence le biais de la géographie vers les phénomènes terrestres au détriment d'une prise en compte suffisante des phénomènes marins. L'océan serait à l'inconscient ce que la terre ferme, dont la matérialité nous est plus directement accessible, serait au conscient?
La carte des précipitations en Europe prépare par contre le terrain aux analyses morphologiques à venir. Le tracé des principales rivières permet de se localiser précisément à l'échelle d'un continent, les diverses trames sont facilement mises en valeur en coloriant en jaune les zones les plus sèches et en soulignant en bleu les isohyètes supérieurs à 1000 mm de pluies annuelles. La relative sécheresse du bassin versant de la Seine devient visible, tout comme celle du Nord de l'Allemagne.
Cette carte montre la quantité de pluie perçue par les habitants de différents pays européens. A une approche naturaliste se superpose désormais une dimension cognitive, au centre des préoccupations des géographes depuis le milieu du siècle dernier. Il a été complété par le mouvement déconstructiviste qui répond à l'appel de Feyerabend d'enfin séparer la Science de l'Etat, ce qui risque toutefois d'emporter tous les raisonnements scientifiques par le relativisme absolu que certains en déduisent abusivement.
Cette carte propose une autre représentation réussie d'une mesure somme toute simple, le nombre de jours d'enneigement. Or, la consultation de la carte invite à se poser des questions sur les différents régimes d'écoulement influençant le Mississippi, dont le bassin versant supérieur est située dans une zone ayant plus de 90 jours de neige par an. Le fleuve subira plusieurs crues au fur et à mesure de la fusion de la couverture neigeuse dans les secteurs en amont. Cette carte s'inscrit dans une démonstration soigneusement planifiée des phénomènes élémentaires qui seront peu à peu exposés pour démontrer la thèse de l'érosion normale chère à Davis.
Il est aujourd'hui simple de reproduire la couverture neigeuse avec un décalage de quelques semaines, illustré par la carte de gauche couvrant la période d'octobre 2022 à mars 2023 ci-dessus, à comparer à celle de droite ci-dessous couvrant l'hiver 2007-2008. La neige est figurée avec un voile blanc, la banquise avec un voile bleuté et la glace du Groenland avec une coloration grise. Les différecnes. C'est évidemment aux marges que la différence entre années sera la plus grande.
Ici, de Martonne explique en détail comment se forment les cyclones car c'est l'occasion de mettre en évidence l'interaction entre pressions atmosphériques, masses d'air saturées en eau, dynamique entre fronts chauds et froids et dégâts occasionnés par les précipitations et les vents.
C'est le passage d'une vue en plan à la coupe verticale qui fait l'originalité de cette figure. Il combinera plus tard ces deux éléments dans de nombreux blocs-diagrammes pour expliquer l'origine des reliefs, ce qui contribuera d'ailleurs grandement à la célébrité de son traité.
C'est le passage d'une vue en plan à la coupe verticale qui fait l'originalité de cette figure. Il combinera plus tard ces deux éléments dans de nombreux blocs-diagrammes pour expliquer l'origine des reliefs, ce qui contribuera d'ailleurs grandement à la célébrité de son traité.
En guise de conclusion
Sur le rabat arrière du premier tome du traité de de Martonne se trouve une carte en couleur résumant les climats décrits dans la deuxième partie du traité. Les climats représentés sont classés en climats chauds, climats de mousson, climats méditerranéens, climats tempérés, climats désertiques et climats froids.
Sur le rabat arrière du premier tome du traité de de Martonne se trouve une carte en couleur résumant les climats décrits dans la deuxième partie du traité. Les climats représentés sont classés en climats chauds, climats de mousson, climats méditerranéens, climats tempérés, climats désertiques et climats froids.
Si l'iconographie du traité est comparée à celle d'aujourd'hui, la qualité des données utilisées et leur résolution spatiale nettement plus grossière que ce qui est facilement disponible sur Internet montre bien le chemin qui a été accompli en termes de mesures régulières et précises sur l'ensemble du globe. La pertinence des cartes préparées par de Martonne est toutefois surprenante, puisque la plupart des représentations choisies restent tout à fait d'actualité pour encourager le lecteur à se faire sa propre idée sur le phénomène en question.
Pour échapper à notre perception stéréotypée de la Terre, souvent réduite à la seule dimension esthétique induite par l'image d'Apollo VIII, il faudra oser le plongeon dans la nature chaotique de la forme des nuages ou de la dynamique des systèmes climatique ou géomorphologique.
Pour échapper à notre perception stéréotypée de la Terre, souvent réduite à la seule dimension esthétique induite par l'image d'Apollo VIII, il faudra oser le plongeon dans la nature chaotique de la forme des nuages ou de la dynamique des systèmes climatique ou géomorphologique.