La musique recommandée pour cette section Laurie Anderson
Le confinement donc, et l'occasion de lire des classiques comme le Traité de géographie physique qu'Emmanuel de Martonne publiait en trois tomes à partir de 1910. Sept à dix rééditions plus tard selon le tome, il n'a toujours rien perdu de son intérêt comme le démontrera la suite.
Quelle ouverture en fanfare! La première carte illustre de façon saisissante l'élargissement progressif de l'horizon géographique occidental. Bien sûr, c'est une perspective eurocentrique, mais sa conception en est particulièrement réussie, une carte qui frappe l'imagination réalisée par un grand auteur qui commence un plaidoyer fort. Mais nos yeux digitalisés peinent à reconnaître les aires représentées avec des grisés aux saturations si semblables - que donnerait un peu de couleur comme sur nos écrans modernes?
Quelle ouverture en fanfare! La première carte illustre de façon saisissante l'élargissement progressif de l'horizon géographique occidental. Bien sûr, c'est une perspective eurocentrique, mais sa conception en est particulièrement réussie, une carte qui frappe l'imagination réalisée par un grand auteur qui commence un plaidoyer fort. Mais nos yeux digitalisés peinent à reconnaître les aires représentées avec des grisés aux saturations si semblables - que donnerait un peu de couleur comme sur nos écrans modernes?
Sans beaucoup d'hésitations, j'ai mis en couleur cette carte qui devient ainsi une image à regarder plutôt qu'une carte à lire pour reprendre la différence fondamentale que Jacques Bertin nous propose.
Est-ce sacrilège suprême ou contribution valable? Coloriée plus ou moins adroitement à la main, le papier gondole un peu, les fines lignes des fleuves sont estompées, mais les couleurs en permettent une appréhension immédiate. Une vision d'ensemble émerge, ce qui correspond à une lecture plus rapide et contemporaine. Encouragé par ce premier résultat, d'autres cartes seront mises en couleur, non seulement pour en dégager une image plus immédiate mais surtout pour s'y immerger afin de les comprendre.
Est-ce sacrilège suprême ou contribution valable? Coloriée plus ou moins adroitement à la main, le papier gondole un peu, les fines lignes des fleuves sont estompées, mais les couleurs en permettent une appréhension immédiate. Une vision d'ensemble émerge, ce qui correspond à une lecture plus rapide et contemporaine. Encouragé par ce premier résultat, d'autres cartes seront mises en couleur, non seulement pour en dégager une image plus immédiate mais surtout pour s'y immerger afin de les comprendre.
Le traité de géographie physique écrit par de Martonne occupe une place à part dans la littérature française, car il est le dernier essai de synthèse des connaissances d'une science géographique dans laquelle l'étude de l'environnement naturel devait servir de base aux études de géographie humaine. Il répond à la somme écrite par Edouard Suess, la face de la terre, une synthèse géologique elle non plus égalée par la suite, malgré les progrès évidents des sciences de la terre.
En filigrane se construit aussi la destinée étrange de la théorie de la dérive des continents, qui mettra 50 ans à pénétrer dans l'orthodoxie scientifique, malgré les images éblouissantes d'un Emile Argand qui l'a immédiatement adoptée. Même si la majorité des images qui seront proposées à une relecture viennent du traité d'Emmanuel de Martonne - dont la structure sert de fil conducteur à cet exposé virtuel - il y aura ici et là des images d'autres visionnaires et dessinateurs d'exception de la première moitié du XXème siécle et des images contemporaines qui nous inciteront à revoir le monde avec des yeux neufs.
En filigrane se construit aussi la destinée étrange de la théorie de la dérive des continents, qui mettra 50 ans à pénétrer dans l'orthodoxie scientifique, malgré les images éblouissantes d'un Emile Argand qui l'a immédiatement adoptée. Même si la majorité des images qui seront proposées à une relecture viennent du traité d'Emmanuel de Martonne - dont la structure sert de fil conducteur à cet exposé virtuel - il y aura ici et là des images d'autres visionnaires et dessinateurs d'exception de la première moitié du XXème siécle et des images contemporaines qui nous inciteront à revoir le monde avec des yeux neufs.
Dans l'introduction générale, de Martonne précise dans sa courte histoire de la géographie qu' "Il semble que plus le savoir humain progresse, plus apparaissent les liens qui rattachent entre elles les diverses sciences, comme les branches issues d'un tronc commun. (...) Toute définition a priori, qui ne tient pas compte de l'évolution naturelle des choses, risque de rester sans influence, ou d'en exercer une mauvaise". Son traité de géographie physique a évité les deux pièges et exercé une influence positive sur les questions à poser, la meilleure façon de les représenter graphiquement et de les exposer dans une langue soignée, proposant de nombreux termes et de belles images qui se sont imposés naturellement à ses successeurs.
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Strabon, dont le traité de géographie nous est parvenu depuis le 1er siècle avant Jésus-Christ, commence la description du monde en posant que la science géographique est affaire de philosophe et en veut pour principale preuve qu'Homère lui-même s'était attaché à décrire le monde. Le chant de la terre perçu par le poète est langage, sa description par le géographe en sera l'image complémentaire: Le traité de géographie physique contient près de 500 figures, cartes, coupes, blocs diagramme, photographies qui illustrent ses propos, cette oeuvre ne prenant tout son sens qu'à travers cette iconographie parfaitement maitrisée.
Dans l'image satellite retravaillée ci-dessus pour en souligner l'esthétique se lisent un point rouge unique à gauche, puis une série de points alignées qui forment des lignes subverticales, formant finalement un champ de dunes - un passage tout en douceur "du point et de la ligne à la surface" pour paraphraser Kandinsky.
La première carte du traité combine aussi tout en subtilité deux figurés si dissemblables malgré les apparences: des lignes qui sont des points se déplaçant librement sur une surface et qui définissent les frontières de l'inconnu et des polygones qui sont les espaces qu'occupent successivement les lignes fermées du savoir européen.
La première carte du traité combine aussi tout en subtilité deux figurés si dissemblables malgré les apparences: des lignes qui sont des points se déplaçant librement sur une surface et qui définissent les frontières de l'inconnu et des polygones qui sont les espaces qu'occupent successivement les lignes fermées du savoir européen.
L'introduction retrace l'histoire de la géographie, passant par la géométrie, les mathématiques et l'astronomie selon la tradition figée par Ptolémée pendant quinze siècles pour en arriver à une description de l'espace sur lequel se déroulent les activités humaines. La figure 3 montre innocemment un profil le long d'une latitude, une fois en tenant compte de la courbure du globe et la seconde fois en le plaquant sur une surface plane comme on le fait sur une carte. Quelle que soit la solution choisie pour projeter le monde sur une feuille de papier, cette démarche introduit une erreur en déforment ici les angles, ou en gauchissant là les surfaces.
Passer de l'image du haut à celle du bas est au cœur de la cartographie puisque celle-ci déforme le monde dès qu'elle cède à l'obligation de dessiner un monde sphérique sur une surface plane .
Passer de l'image du haut à celle du bas est au cœur de la cartographie puisque celle-ci déforme le monde dès qu'elle cède à l'obligation de dessiner un monde sphérique sur une surface plane .
C'est à la trentième figure que devient explicite la base sur laquelle sont construites ses planisphères puisque De Martonne y annonce qu'il utilisera la projection Mollweide car elle serait le meilleur compromis entre conservation des angles et des surfaces. Il faudra attendre 1953 et la projection de Jacques Bertin pour qu'une meilleure solution voie le jour pour la projection sur une surface plane et 2005 lorsque Google Earth proposera un globe virtuel, une alternative fondamentalement différente à 2'500 ans de géographie plane.
L'introduction propose alors une description de la Terre qui passe en revue la répartition des mers et des terres, leur altitude, les mouvements de l'atmosphère et de l'hydrosphère et la dynamique thermique du noyau.
L'introduction propose alors une description de la Terre qui passe en revue la répartition des mers et des terres, leur altitude, les mouvements de l'atmosphère et de l'hydrosphère et la dynamique thermique du noyau.
Cette carte correspond à un exercice visiblement à la mode au tournant du siècle dernier, puisqu'il s'agissait de trouver l'angle sous lequel on verrait le plus possible de terres émergées, rejettant le plus de mers possibles dans le second hémisphère. Selon cette version, ce serait Nantes qui se trouve selon un heureux hasard (!) à moins de 250 kilomètres de Chabris où de Martonne est né - la géographie est toujours d'abord un point de vue lié é sa biographie!
Une visualisation sur un globe illustre à quel point les projections déforment la réalité. Il est en effet impossible de voir l'Amérique et l'Afrique en entier en même temps, ce que démontrera visuellement n'importe quel globe terrestre. Mais comme il n'est pire aveugle que celui qui ne veut voir, il n'est pire observateur que celui qui veut voir....
Cette figure magnifique illustre les relations entre montagnes et fossés marines: une série de coupes le long des latitudes met en évidence le volume relatif des continents et des bassins océaniques, Quelle représentation fascinante du globe, généralement absente dans l'iconographie d'aujourd'hui, pourtant facilement réalisable sur Google Earth.
La modestie des montagnes par rapport à la profondeur des océan montre qu'il serait plus logique d'appeler notre planète les abysses...
La modestie des montagnes par rapport à la profondeur des océan montre qu'il serait plus logique d'appeler notre planète les abysses...
Cette figure a été soigneusement construite pour illustrer les proportions entre continents et océans, le massif le plus élevé permettrait de combler la dépression au large de Cuba jusqu'à la médiane océanique, mais la plaine de Sibérie ne suffirait jamais à combler le bassin qui se relève au cap vert. Par ailleurs, c'est seulement en exagérant les hauteurs 50 fois qu'il est possible de montrer quelque relief. Réduite à la taille d'une boule de billard, la terre serait infiniment plus lisse qu'elle...
L'auteur propose alors un découpage selon les quatre éléments chers aux Grecs:
L'air (ou encore le climat),
l'eau (ou encore les mers, les lacs, les rivières),
puis ce sera (la forme de) la terre et
finalement le feu par la géographie des plantes et des animaux, puisque la vie est une forme supérieure d'organisation de la matière qui permet une exploitation optimalisée de l'énergie.
L'air (ou encore le climat),
l'eau (ou encore les mers, les lacs, les rivières),
puis ce sera (la forme de) la terre et
finalement le feu par la géographie des plantes et des animaux, puisque la vie est une forme supérieure d'organisation de la matière qui permet une exploitation optimalisée de l'énergie.
Climat Hydrographie
Relief du sol Biogéographie