La musique recommandée pour cette section Abba
De l'influence de la démographie sur la répartition des villes ou encore
de l'arrangement spatial des mosaïques urbaines
Ici est proposée une série de constructions géographiques pour mettre en évidence le rôle structurant des villes dans un espace continental. Elles sont inspirées de la théorie des places centrales de Walter Christhaller illustrée par cette animation. Elle explique comment dans un espace homogène telle qu'une vaste plaine tabulaire à l'échelle continentale les villes principales structurent l'espace. L'image de gauche ci-dessous illustre un découpage en hexagones au sommet desquels vont se développer des villes satellites qui seront elles-mêmes entourées de bourgs répartis selon la même logique. L'image de droite illustre une même hiérarchie mais selon une approche radiaire plutôt qu'hexagonale.
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Source: wikipedia. crédit Avenafatua
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Cette carte illustre la densité de population sur terre (Données WorldPop (www.worldpop.org - School of Geography and Environmental Science, University of Southampton; Department of Geography and Geosciences, University of Louisville; Departement de Geographie, Université de Namur and Center for International Earth Science Information Network (CIESIN), Columbia University (2018)).
La répartition très inégale de la population saute aux yeux. Si l'on tient compte de l'urbanisation galopante, il faut bien admettre qu'il y a de plus en plus de gens sur un espace urbain qui grandit très lentement par ailleurs. La carte suivante illustre bien cette tendance à la densification du peuplement humain. Seule L'inde et le nord de la Chine semblent partout uniformément (sur)peuplées...
La répartition très inégale de la population saute aux yeux. Si l'on tient compte de l'urbanisation galopante, il faut bien admettre qu'il y a de plus en plus de gens sur un espace urbain qui grandit très lentement par ailleurs. La carte suivante illustre bien cette tendance à la densification du peuplement humain. Seule L'inde et le nord de la Chine semblent partout uniformément (sur)peuplées...
Cette carte montre, outre la densité de population, les 318 villes (Source Natural Earth) illustrées par un petit cercle vert dans lesquelles vivent plus d'un millions de personnes (lorsque les villes sont trop proches les unes des autres, il se peut que leurs noms n'apparaissent pas tous). L'inde et la Chine ont non seulement une forte densité globale de population, mais aussi de nombreuses villes avec plus d'un million d'habitants. Enfin, pour être précis et pour éviter de faire une affirmation en partie trompeuse, il s'agit de la population des villes intra muros, alors qu'avec leurs banlieues elles seraient souvent 3 à 4 fois plus populeuses.
Que nous montrera une analyse de leur répartition spatiale? Les seules donnéess utilisées seront l'emplacement des villes alors que les limites des océans et des continents servent à découper les résultats de manipulations cartographiques. Voici donc un zoom sur l'Europe, avec la densité de population indiquée en brun alors que les principales villes sont marquées par un point vert. Une ligne peut alors être automatiquement tracée à mi-chemin entre chaque ville, ce qui découpe le territorie en polygones de Voronoi comme illustré sur la carte ci dessous.
Cette carte de l'Europe a uniquement été découpée selon la position de ses plus grandes villes. Souvent, le découpage permet de reconstruire mentalement les pays. Il ya bien sûr quelques surprises, comme Barcelone capitale... du Languedoc, ou encore Vienne, dont le poids démographique reproduit un empire austro-hongrois depuis longtemps disparu. Le poids relatif de Sofia ou de Bucharest sont aussi inattendus
Etonnamment, en colorant les polygones avec un code couleur reflétant la population totale (5 classes du blanc juste supérieur à 1 million au rouge foncé pour les villes de plus de 5 millions de personnes), apparaissent des cicatrices historiques, comme le démontre la douloureuse réalité actuelle en rappelant le rôle critique de charnière de Kharkiw entre Kiew et Rostov sur le Don. Mais les visées moyenageuses de l'Angleterre sur la Bretagne française ou l'étendue passée d'un royaume de Suède tout puissant se retrouvent aussi sur cette carte. La puissance de la ligue hanséatique dont Hambourg était le centre procure un hinterland plus important à cette ville qu'à Berlin dont le développement a été contrecarré par les sursauts européens pendant une bonne partie du XXème siècle.
Reprenons cette approche au niveau planétaire ; les 318 principales villes occupent toute une position spécifique qui dépend des avantages recherchés lors de leur établissement intial il y a quelques siècles ou millénaires, tel que la présence d'un lac ou d'un fleuve, la richesse des terres alentour, un climat particulier. Puis ces villes se développèrent tout en contrôlant un arrière-pays qui les a nourri, ce qui empêche le développement d'autres centres importants pendant un certain temps. Parfois un compétiteur se développe, détruit l'ancienne ville qui rayonnait, puis contrôle à son tour l'espace. En se basant uniquement sur leur position, il est aujourd'hui possible de découper des polygones d'influence qui reproduisent souvent les pays, voire les provinces des pays les plus puissants. Bien sûr les villes portuaires englobent une vaste portion d'océan dans leur polygone d'influence. Pour un géographe d'un pays enclavé dans les Alpes, cela semble évidemment une hypothèse raisonnable de penser qu'un accès à la mer augmente le rayonnement d'une ville...
Ces polygones qui n'avaient été tracés que sur la base de leur position sont alors transformés en un cartogramme dont le facteur déformant est la population de chaque ville. Un code de couleur a été ajouté, les polygones les plus foncés étant ceux qui ont les plus grosses populations urbaines et ont donc grossi lors de cette opération, alors que les polygones blancs ont tous perdus en taille.
Ici, le nombre d'habitants de chaque ville a une influence sur la mosaique des villes. Mais a-t-elle une quelconque valeur heurisitique? C'est ce que l'étude des mosaiques continentales nous permettra peut-être de voir...
Ici, le nombre d'habitants de chaque ville a une influence sur la mosaique des villes. Mais a-t-elle une quelconque valeur heurisitique? C'est ce que l'étude des mosaiques continentales nous permettra peut-être de voir...
En jaune figurent les polygones qui marquent la frontière de l'Europe. Le développement des grandes villes sur la périphérie du continent peut s'expliquer peut-être par le grand nombre de petites villes en Europe centrale dont le densité assez élevée a finalement empéché de grandes villes de s'y développer.
En jaune figurent ici tous les polygones qui constituent la frontière du Proche-Orient.
La position centrale de Baghdad - qui a finalement supplanté une longue série de villes mésopotamiennes - est bien visible. Par ailleurs, la Mecque, qui a une valeur religieuse considérable, est un espace urbain peu peuplé de façon permanente mais un centre d'attraction entouré de villes importantes, dont certaines avec de vives tensions entre elles. |
L'espace urbain musulman ci-dessous est un espace fragmenté, contrairement aux continents bien plus homogènes: Le polycentrisme du monde musulman est aussi prononcé que celui de l'Europe. Etudier les relations entre villes devrait permettre de mieux prévoir l'évolution future des mégalopoles !
Voici la mosaïque des villes asiatiques. Ici, l'organisation spatiale est différente, la densité généralement élevée en Chine et en Inde est répartie de facon relativement régulière dans l'espace. En contraste, l'Indonésie voit cohabiter des villes importantes dans une trame de ville secondaire, ce qui donne une bien plus grande variation de densité. La fragmentation vient sans doute du caractère insulaire de ces habitats.
Cette carte préparée par Danny Quah indique que plus de la moitié de la population mondiale vit dans un cercle de 3'300 kilomètres de diamètre dans cette partie du Monde qui s'appelait à une époque l'Indochine. La centralité de la démographie chinoise - résultat d'une histoire de conquête spatiale s'étendant sur 5'000 ans - ne peut être comparé à la fragmentation de la population indienne, dont les fleuves et les religions provoquent autant de lignes fractures dans l'occupation de l'espace physique ou social. |
Qu'en est-il dans des territoires récemment réorganisés suite à un génocie presque complet des populations indigènes? L'occupation de l'espace semble suivre cette logique de hiérarchisation du développement des villes dans l'est des Etats-Unis. Cette forme d'appropriation semble toutefois moins développée dans l'ouest, probablement à cause de ressources plus limitées. Essayons de voir si nous pouvons démontrer l'utilité de la théorie de Christhaller dans cette partie du monde. En vert figurent toutes les villes de plus d'un million d'habitants, en brun est indiquée la densité de population autour de centres caractérisés par un étalage urbain important, une des conséquences du tout à l'automobile américain.
Quelques mégapoles sont en compétition avec une grande zone vide entre les deux pôles de la cote est et du Texas. Faisons l'impasse sur ces villes et vérifions comment les autres se répartissent l'espace intersticiel.
Une carte très intéressante émerge de cette petite étude: en violet sont marqués les polygones extérieurs qui se prolongent très loin sans contrainte d'autres villes. Les polygones des différentes villes de 2ème rang ont un nombre de cotés variant entre 2 et 8. Il y a 1 polygone à deux cotés (cela peut sembler étrange mais la pointe sud de Floride ne comporte que 2 lignes significatives, celles séparant Miami de Tampa et la limite des terres), 3 polygones à 3 cotés, 12 à quatre cotés, 9 à cinq cotés, 6 à six cotés, 3 à sept cotés et 2 à huit cotés. La moyenne des polygones est de 4.91, soit un point en dessous de ce que prédit Christhaller. Il est frappant aussi de voir l'axe nord-sud que forment les villes d'Indianapolis, Columbus, Charlotte et Jacksonville, prolongée au sud par les villes de Floride et au nord par celles de Milwaukee et Detroit, au centre de 2 hexagones parfaits malgré (ou à cause de ?) la présence des Grands Lacs.
Repartons faire un tour en Afrique - voici un cartogramme basé sur la population par pays, le Nigeria, l'Egypte, l'Ethiopie, la République Démocratique du Congo et la République sudafricaine voient leur surface augmenter, alors que les grands pays peu peuplés du Sahel disparaissent presque de cette figure.
La répartition des centres urbains, principaux moteurs de croissance démographique, reflétera-t-elle cette organisation sur un contient sur lequel les plus grandes populations semblent se concentrer le long des côtes marines au niveau continental ? Voici qu'apparaissent Kano, Lagos, Luanda, Kinshasa, Nairobi, Dar es Salam, capitales de nations imbriquées dans de vastes réseaux commerciaux s'étendant en Asie, au Moyen Orient et en Europe... |
En conclusion provisoire, il est possible de dire que même si la mosaïque urbaine africaine représentée ci-dessus exprime d'abord une forte composante spatiale (puisque la plus grande partie de son traitement cartographique a seulement tenu compte de la localisation précise de ses principaux centres urbains), elle est difficile à lire car c'est une représentation plutôt inattendue des relations entre villes majeures. Relier Marrakech et Montréal ou Antanarivo et Perth peut sembler la vue d'un esprit un peu décalé. Pourtant une lecture plus attentive révèlera bien l'organisation spatiale entre chaque ville majeure africaine et celles qui font partie de son réseau rapproché. Visualiser en une seule figure les relations entre de nombreuses cités africaines permet de créer ce qui ressemble le plus à une image au sens de Bertin
La carte présentée à la fin de la section précédente pour attirer le lecteur ici prend maintenant tout son sens, peut-être même que certains lecteurs pourront saisir en un seul clin d'oeil l'harmonie de la mosaïque urbaine, comme si les villes étalaient leur Hinterland dans une grande symphonie commune. Mais peut-être faut-il se libérer encore plus de la seule contrainte spatiale pour découvrir les motivations profondes des batailles politiques.