Avant de présenter finalement la première partie de la théorie d'Henri Erhart, il faut encore prendre un peu de temps pour comprendre ce qu'est la vie des micro-organismes dans le sol. Un livre magnifique et pédagogique, précis et surtout infiniment passionant permet de découvrir cette exubérance biologique.
Des milliers d'échantillons de sol ont été prélevés pendant un projet de recherches, L'ADN de leur assemblages de bactéries, de champignons (appelé mycorhyzes lorsqu'ils vivent en symbiose avec les radicelles), de virus a été analysée et les résultats sont représentés par une série de cartes qui énumèrent les principales familles desquelles dépendent toutes les formes de vie et que nous ne connaissons toujours qu'à peine. Mais regardons d'abord quelles sont les fonctions que remplissent les micro-organismes dans les sols. Elles sont multiples. pertinentes par rapport à la fertilité biologique, la fertilité physique et la santé du sol. |
La matière organique du sol est produite puis transformée par les micro-organismes, les particules arileuse ou sableuses s'agglomèrent gräce des ponts de polysaccharides, les virus qui s'attaquent aux plantes sont neurtralisées par d'autres micro-organismes, et les insectes et autres organismes fouillent, digèrent, altèrent le sol. La plupart des toxiques pour l'environnement finissent aussi par y être neutralisés. Et puis, comme produit secondaire à peine perceptible mais constamment à l'oeuvre, toute cette vie décompose la roche sous jacente et exporte systématiquement quelques atomes pendant que les résidus insolubles finissent par former des horizons pédologiques.
La carte de gauche indique la quantié de micro-organismes par échantillon, alors que la carte de droite indique la diversité des populations de microorganismes. Il semble y avoir plus de taxons dans les sols qui contiennent peu de vie microbienne, la biodiversité serait plus importante dans des milieux relativement déserts soumis à une intense compétition...
Il vaut la peine de juxtaposer une carte géologique à la carte de la biodiversité microbienne des sols en France, certaines hypothèse vont apparaitre puis repartir (Tiens les granites semblent moins riches en espèces... Bon ce n'est pas le cas en Bretagne,etc.)
Il vaut la peine de juxtaposer une carte géologique à la carte de la biodiversité microbienne des sols en France, certaines hypothèse vont apparaitre puis repartir (Tiens les granites semblent moins riches en espèces... Bon ce n'est pas le cas en Bretagne,etc.)
La phase de biostasie correspond à un environnement dans lequel une pluviométrie suffisante permet à une forêt de se développer, recouvrant un sol riche et profond. Les précipitations rebondissent sur les feuiles, l'eau glisse le long des arbres, s'infiltre, rejoint la nappe qui alimente des rivières pérennes. L'érosion est très faible, mais la dissolution des élements chimiques les plus solubles se poursuit sous les forêts et les rivières exportent d'immenses quantités d'éléments dissous dans les océans, entre autre du calcium. Dans les mers, il est fixé par des organismes vivants qui le combinent avec le dioxyde de Carbone (le CO2) et de l'oxygène, voila le calcaire en train de se former à partir de cristaux de CaCO3. Lorsque les graminées sont apparues au Tertiaire, la charge minérale des eaux quittant les prairies et les forêts-galerie change fondamentalement, car l'eau contient maintenant de la silice dissoute, ce qui se marquera par un développement parfois énorme d'unicellulaires avec un squelette à base de silice appelé test. Ainsi, une capacité nouvelle de la végétation, celle de construire une partie de son squelette végétale à partir de silice absorbée des cristaux de quatz, sera refletée dans la composition des eaux: cette silice pourra être lessivée par la pluie et transportés sous forme dissoute dans les rivières jusqu'à la mer où elle passera par un processus biologique complet avant de précipiter au fond de la mer.
Dans cette image tourmentée, un placage clair de diatomites est partiellement recouvert d'une couche de sable indurée qui le protège de l'érosion. Après la prolifération de milliards d'unicellulaires silicieux, le résidu d'argiles et de limons en suspension s'est sédimenté au fur et à mesure de l'asséchement de ce lac temporaire. Or nous sommes ici dans la zone saharienne du Tchad, comment expliquer un dépôts de milliards d'unciellaulaires silicieux? Il faut imaginer un lac à cet endroit, or la géomorphologie nous oblige à admettre qu'il y avait un très grand, le mégalac Tchad qui est décrit ailleurs dans ce site.
Le lac dans lequel se sont déposés ces diatomites, magnifiques unicellulaires avec un squelette silicieux, se trouvait dans un bassin situé au nord-ouest du mégalac Tchad. Or, pour qu'un tel lac existe, il fallait une pluviométrie très importante, mais aussi qu'une couverture végétale très dense qui n'a laissé passer que des éléments dissous que les micro-organismes ont valorisés le temps d'un bref métabolisme, puis déposé sous forme de précipités biochimique.
La biostasie, ou encore l'influence d'une puissante végétation sur les berges des lacs et des mers est une hypothèse particulièrement attirante pour expliquer les gisements de diatomites. Elle donne aussi une explication lumineuse des dépôts presques purs de calcaires marins qui apparaissent parfois dans les colonnes stratigraphiques. S'îl n'y a pas ou seulement très peu de dépôts calcaires dans le bassin du mégalac Tchad, c'est que les alentours sont principalement constitués d'une longue succession de grès qui contiennent très peu de calcium. Une forêt se développe en quelques décennies lorsque la pluie est suffisante, elle peut disparaître à la même vitesse lorsque la pluviométrie diminue. |
Que reste-t-il sur place une fois que les éléments solubles ont tous été lessivés? Des résidus d'oxydes et d'hydroxydes d'aluminium et de fer et localement parfois de la kaolinite, une argile néoformée qui organise couches d'hydroxyde d'alumnium et tétraèdes de silice. Une telle accumulation correspond à long terme à des sols latéritiques typiques des zones tropicales. Nous y reviendrons un peu plus loin.
Dans un article de synthèse paru en 2020, Davies et ali décrivent la synchronicité de l'évolution biologique et de la production de sédiments. Il est en effet logique de poser que l'évolution de la vie, particulièrement sa consommation de certains éléments chimiques et la production de déchets biochimiques se reflétera dans la composition de l'atmosphère, des sols et des océans, et donc dans les colonnes stratigraphiques qui archivent indirectement ces divers équilibres sur Terre. L'apparition des graminées (grasses en vert assez vif sur la figure ci-dessus) se marque dans la composition des charbons et tourbes, dans les traces que laissent les racines, dans l'accroissement significatif de silice dans les sédiments et dans la formation de calcrète, une forme d'évolution des sols favorisée par la présence de graminées. Plus loin dans le temps, il est fascinant d'observer que l'apparition des arbres avait déjà eu des conséquences sur des phénomènes aussi diversifié que la production de charbon, l'évolution des rivières (la diminution de l'érosion réduit la charge sédimentaire, les rivières s'envasent et ne transportent plus les sédiments les plus grossiers que lors de crues), l'altération des roches en sol. L'impact de la présence humaine est aussi bien mise en évidence. (Référence: Davies et ali, 2020, Evolutionary synchrony of Earth's biosphere and sedimentary-stratigraphic record, Earth-Science Reviews, 201 (2020) 102979) lien internet)
Dans un autre article de synthèse paru en 2018, Yinon et ali décrivaient eux pour la première la répartition globale de la biomasse sur Terre. Quelle surprise de constater que les plantes représentent plus de 82% de la biomasse totale, les bactéries représentant elles près de 13% de la masse vivante. Le poids négligeable des virus (en pour mille de biomasse totale) ne signifie en rien qu'ils seraient négligeables pour le fonctionnement de la planète comme l'a récemment démontré le virus du covid19. Les champignons (fungi dans la figure ci dessus) jouent un rôle fondamental dans la nature puisqu'ils sont capables de dégrader la matière végétale et donc d'accélerer le retour des éléments prélevés par le vivant pour les remettre à disposition d'organismes qui ne sont pas capable de se nourrir de cadavres. Un rôle similaire est joué par les insectes qui décomposent à une vitesse incroyable les produits du métabolisme végétal (pollen, feuilles, fruits, bois) et animal (matière fécale, plumes, cadavres) . Ils représentent la moitié de la biomasse animale, indiquant ainsi l'importance du recyclage dans l'économie de la Nature.
Ainsi, les plantes et les bactéries représentent 95% de la biomasse continuellement en interaction avec la géosphère, il est donc parfaitement logique de considérer qu'une forêt se développant sur un sol profond aura une influcence certaine sur le type de sédimentation qui aura lieu dans la mer à laquelle retournent au final toutes les composantes que la tectonique aura temporairement attribuées à un continent.
Ainsi, les plantes et les bactéries représentent 95% de la biomasse continuellement en interaction avec la géosphère, il est donc parfaitement logique de considérer qu'une forêt se développant sur un sol profond aura une influcence certaine sur le type de sédimentation qui aura lieu dans la mer à laquelle retournent au final toutes les composantes que la tectonique aura temporairement attribuées à un continent.
Ignorer les océans qui représentent 70% de la surface de la terre a retardé l'acceptation de la tectonique des plaques pendant 50 ans (voir la tectonique d'Argand). Intégrer l'importance de la biomasse dans les grands cycles géologiques ne permettrait-il pas d'accélerer un même saut conceptuel en mettant la pédologie au début de toute réflexion sédimentaire? Nous serions alors beaucoup plus proche de l'état d'esprit que prône James Lovelock avec sa théorie de Gaïa...
Comme dernière étape dans cette section, examinons l'autre pôle, celui de la rhexistasie
Comme dernière étape dans cette section, examinons l'autre pôle, celui de la rhexistasie