Pour les géographes francophones, LA référence en cartographie est le livre de jacques Bertin sur la sémiologie graphique. Souvent cité, pas toujours compris, il permet d’envisager une représentation rationnelle du monde avec un contrôle poussée de la plupart de ses instruments: symbole, couleur, combinaison, texte, etc
Cette image a peu de signification, on peut admirer les lignes verticales blanches qui découpent une masse rocheuse rougeâtre et se demander ce que ce casque blanc fait là.
Et voilà que le cliché évoque instantanément une histoire dans un lieu défini, rendant l'image efficace selon les critères de Bertin. Le contexte participe autant à la lecture d’une image que le cliché lui-même.
Cette image jour évidemment avec le fait que l’œil européen «lit» une image de gauche à droite et de haut en bas: Le point de fuite sur la gauche s’oublie au profit de l’espace ouvert à droite, avec une barrière qu’il semble soudain possible de franchir. Le message radical (prison idéologique) est remplacé par une perspective de liberté conditionnelle en changeant le titre (Bienvenue en Amérique du nord, le continent du matérialisme hystérique).
Classiquement, sur un cliché de géologue figure un marteau pour donner l’échelle. Il est ici caché sur le flanc du delta, mais la feuille verte à l’avant-plan remplit parfaitement la fonction de donner l’échelle. Cette image respecte les recommandations d’Edouard Imhof, le grand cartographe suisse, qui précise que pour atteindre le maximum d’efficacité, les couleurs vives doivent être réservées à de petites surfaces. Il mentionne aussi que le gris est la couleur la plus intéressante, ce que cette image illustre parfaitement…
Même sans titre et sans identification interne, cette image raconte une histoire, banale mais inédite. Il fallait juste saisir la fraction d’éternité à laquelle cette histoire se cristallise dans la réalité avant de se figer sur le capteur de la caméra. Les images volées à l’exubérance de la vie qui passe lentement mais sans cesse sont mes préférées.
Le monde pourrait être mesuré, donc chaque pixel sur une image digitale pourrait être interprété au-delà de sa seule dimension esthétique et rattachée à un modèle, idéalement mathématique ou au moins robuste théoriquement, qui donnerait le cadre dans lequel expliquer sa valeur et ses innombrables relations avec ses voisins. Nous sommes donc dans le domaine de l’analyse spatiale pure lorsque nous manipulons nos photographies, même si chaque situation est un produit de l’histoire qui l’a construit.
Il faut bien commencer ce voyage avec un peu de théorie géographique, ce qu’il faut pour pouvoir ensuite utiliser une nouvelle perspective pour manipuler pixels et images…
On peut voir une bande qui correspond aux satellites géostationnaires tourant à la même vitesse que la Terre généralement au dessus de l’équateur. Il s’agit surtout de satellite météo mais aussi de satellite pour la transmission de radio et télévision. Ils circulent à 35 786 kilomètres de la Terre, où ils tombent exactement à la même vitesse vers la Terre qu'elle tourne sur elle-même...
Cette image a déjà subi de nombreuses manipulations avant d’être mise en ligne: correction géométrique pour compenser la rotondité de la terre, correction radiométrique pour corriger les effets poivre et sel de certains récepteurs défectueux, compression des données, etc. Pour prendre une telle image, il faut prendre de la distance…
Le satellite WorldView passe à 617 kilomètres au dessus de la terre. Entre cette image et la première, le zoom est de 37’000 fois, Un satellite prend toujours des images avec une même définition, contrairement à une caméra, il n'est pas possible de changer d’objectif ! La seule décision possible est comme toujours de presser le déclencheur ou pas.
Les clichés le plus pertinent pour notre propos mesurent la lumière du soleil réfléchie par la surface terrestre, ils appartiennent à ce qui s’appelle observation de la Terre dans le visible. Il existe d’autres canaux d’observations, nous y reviendrons plus tard.
Chaque tuile de bande visible pèse 113 meg, la bande thermique 132 meg, nous avons ici au bas mot un demi Gigabites de données
Cette image semble contenir peu d’informations avec 1390 * 850 pixels = 2.2 Meg
Le coin inférieur droit contient beaucoup plus d’information que dans le visible
Dans cette image, la température s’exprime en rouge, et de nouvelles structures apparaissent. C’est une image réellement en fausse couleurs car elle représente une réalité que nous ne pouvons voir directement car notre vision n’intègre pas les infra-rouges dans la construction de l’image. Toutes les régions sombres ne réagissent pas de la même manière, alors que les sommets peu exposés restent sombres, le fond des vallées s’anime car il y a chaleur résiduelle variable selon l’exposition. Mais même cette image reste très peu parlante, il faudra travailler les valeurs un peu plus profondément pour extraire de nouvelles dimensions de nos images satellitaires. Pour produire ces quelques images, j’ai dù traiter 4.49 Gb de données.
Que se passe-t-il lorsque l’on combine les 3 bandes de lumière visible ? On obtient une image en noir et blanc sur une seule bande avec une profondeur de 255 valeurs possibles sur chaque pixel.
Alors que les deux premières manipulations sont classiques pour un photographe, la troisième est particulièrement intéressante pour créer de nouveaux effets. Or, dans un logiciel de traitement d’image satellite, même basique et gratuit comme QGIS, tous les paramètres peuvent être contrôlés et ajusté selon ses besoins. Nous verrons plus loin la possibilité d’utiliser les relations spatiales entre pixels au-delà du simple traitement en classes de couleurs.
Les grandes plages vert clair sont celles avec une réflectance totale, il s’agit de champs de neige réfléchissant la lumière du soleil qui ont la valeur maximale de 255. On peut exploiter cette saturation en créant une grande classe lumineuse dans laquelle on utilisera qu’une petite gamme de tons pour en utiliser un maximum sur les plages avec un maximum de variance. La fragmentation du paysage est remarquable avec énormément de zones ayant une valeur digitale similaire.
Sur cette image en vraies couleurs, seules 20% des valeurs sont utilisées, ce qui sursature les zones claires mais permet de voir apparaître des détails dans les zones sombres. Mais pouvons nous vraiment croire ce que nous voyons? Et les couleurs sont-elles plus objectives, précises, puissantes que le noir et blanc?