« Le terme « dérive » comporte lui aussi une équivoque sémantique : dériver, verbe qui présente à la fois une forme transitive et une forme intransitive, c’est d’une part se placer à la suite, découler, continuer, poursuivre (logique de filiation au point de vue de laquelle « sortir » signifie être issu) ; et d’autre part, c’est prendre le large, à la manière d’un « bateau ivre » qui, ayant lâché les amarres, est lancé hors des chemins battus et de leurs lignes fixes, suivant le modèle de l’unique stirnérien qui « n’a fondé sa cause sur rien » (logique de détachement et d’éloignement du point de vue de laquelle sortir signifie partir). »
Pierre Macherey, « Debord et l’expérience de la dérive », In Situations, dérives, détournements. Statuts et usages de la littérature et des arts chez Guy Debord, Art Book Magazine, Paris, 2017, p.47., cité par Yvan Chasson. Guy Debord et la psychogéographie : pour une poétique de l’espace. Une lecture sensible de la ville.. Perceptions (Journées thématiques de l’Ecole doctorale SLPCE Sciences du Langage, Psychologie, Cognition, Education (SLPCE)), Pr Didier Tsala-Effa, Sep 2020, Limoges, France. ffhal-03270494 citation citée à son tour par ce site, jeu de miroirs des références à l'infini, tout cela pour savoir qui a eu le premier une idée qui dure - il y aurait donc une sélection naturelle des idées, les bonnes idées durant plus longtemps?
Pierre Macherey, « Debord et l’expérience de la dérive », In Situations, dérives, détournements. Statuts et usages de la littérature et des arts chez Guy Debord, Art Book Magazine, Paris, 2017, p.47., cité par Yvan Chasson. Guy Debord et la psychogéographie : pour une poétique de l’espace. Une lecture sensible de la ville.. Perceptions (Journées thématiques de l’Ecole doctorale SLPCE Sciences du Langage, Psychologie, Cognition, Education (SLPCE)), Pr Didier Tsala-Effa, Sep 2020, Limoges, France. ffhal-03270494 citation citée à son tour par ce site, jeu de miroirs des références à l'infini, tout cela pour savoir qui a eu le premier une idée qui dure - il y aurait donc une sélection naturelle des idées, les bonnes idées durant plus longtemps?
Au départ il y a les données digitales laissées par des oiseaux équipés d'un émetteur-récepteur GPS, à l'arrivée une histoire palpitante, celle du canard pilet J901 (ainsi nommé par la bureaucratie scientifique qui l'a espionné) qui s'est aveuglé de lumière en Sibérie avant d'éviter un cyclone tropical...
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Ces données ARGOS sont disponibles sur le site de l'USGS ou du site Data.Gov du gouvernement des Etats-Unis. Je vous ferai grâce de tous les détails technique de transmission, collecte et traitement des données, toute une armée de techniciens s'y sont attelé des années durant pour produire au final des cartes sans saveur mais baséses sur des données plausibles. Laissons les droits de propriété et la technologie aux coeurs secs et envolons nous avec les oiseaux loin dans un ciel bleu virtuel avec notre coeur de poète
A la recherche de nouvelles données à mettre en carte je suis tombé sur un trésor: des données sur la migration d'animaux vivant dans les airs, sur terre ou dans l'eau.
Plus loin dans ce site est revisité le traité de géographie d'Emmanuel de Martonne, qui traite du climat, de l'hydrographie, de la forme de la Terre et enfin du monde vivant dans le dernier tome. Ces données inespérées permettent de mettre à jour la partie la plus désuète du traité, celle traitant la biogéographie. Ici l'approche sera contraire, puisque chaque pointage est interprété en fonction de la probable perspective de l'animal observé. Il s'agit de découvrir plus en détail la facade pacifique de l'Eurasie, l'Orient mystérieux qui attire les Européens en mal de racines comme la Grèce attirait les Romains en quête de culture primitive. |
Nous commencons un voyage aérien aux confins du monde, à la marge orientale de l'Eurasie. Nous passerons par le Japon, l'est de la Sibérie jusqu'en Yakoutie puis en reviendrons toujours par les airs via l'ile de Sakhallin. Comme seules données pour commencer, le signal laissé par un canard pilet entre janvier et décembre 2008.
Sur la carte ci-dessus, tous les points enregistrés de temps en temps ont été organisés en un trajet de 12'780 kilomètres, la distance du parcours de notre barboteur mesuré par GPS et satellites. |
Cette animation montre comment les précipitations se répartisssent sur l'année sur la base de données quotidiennes lissées sur une période de plus de 30 ans. Notre canard pilet s'envole vers le Nord avant l'arrivée des pluies de mousson et ne redescend sur la péninsule japonaise qu'après la saison des pluies. C'est bien un barboteur, mais qui évite un temps trop pluvieux!
Son voyage commence en février lorsqu'il vole vers le nord, d'abord sur l'ile d'Hokkaido au Japon puis en mars en Russie. Mais le nord est encore trop frais pour y aller, et notre canard flâne en chemin, se nourissant de tétards, de larves, de pousses de végétation. Et puis cette escapade à l'intérieur des terres, qu'en penser?
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Cette pointe vers l'ouest est-elle une erreur de position ou de transmission? Au bout de ce vol (petit trait rose foncé tout à droite) se trouve le lac de Bureya, une vaste zone inondée lors de la débacle printanière et probablement très riche en nourriture. Mais comment notre canard J901 peut-il savoir que faire un vol aller retour de plus de 1'000 kilomètres sera récompensé par un festin? A-t-il simplement suivi d'autres canards qui y seraient nés et connaissent ainsi cet eden écologique?
Les vols des autres canards équipés d'un GPS semblent tous ignorer cette destination. Pour traverser la mer, le canard a parcouru 987 kilomètres en 3 jours, faire une escapade de 1'000 kilométres est possible même s'il s'agit au final peut-être quand même seulement d'une erreur de transmission.
Puis début juin, en trois courtes étapes, le canard pilet rejoint son lieu préféré d'estivage, dans le nord sibérien où les jous sont très longs, l'air rempli d'insectes et la chaleur supportable, des conditions idéales pour se reproduire sur son probable lieu de naissance. Des milliers de lacs et de mares pour une colonie temporaire de canards pilet, un bel exemple d'écosystème parfaitement fonctionnel. De nombreux canetons naissent dans cet éden sibérien.
L'animation montre comment le canard explore son environnement, la carte comment ses déplacements schématiques dessinent deux constellations successives, peut-être le passage du temps de la couvade à celui des premiers soins aux canetons (paradoxalement la meilleure explication pour une nouvelle dynamique spatiale serait ainsi de nature temporelle).
Une carte fascinante qui rappelle les cartes produites par les Situationnistes lorsqu'ils se laissaient dériver dans le tissu urbain pour en saisir l'organisation. Ces deux étoiles virtuelles indiquents comment ce canard s'est inscrit dans son environnement physique (dont la structure est déterminée surtout par des contraintes géologiques qui définissent le drainage des sols) et écologique (dont les principaux paramètres sont de nature éthologique, entre autre celle de la proxémie chère à Edward Hall).
Une étape dans une lumière généreuse, une nourriture abondante, une température agréable: les oiseaux dans leur grande sagesse ne prennent que le meilleur de la Sibérie. Ils seraient par ailleurs très surpris de notre image mentale de cette partie du monde, un désert froid et glacé dont nous craignons surtout la fonte du pergélisol!
Une carte fascinante qui rappelle les cartes produites par les Situationnistes lorsqu'ils se laissaient dériver dans le tissu urbain pour en saisir l'organisation. Ces deux étoiles virtuelles indiquents comment ce canard s'est inscrit dans son environnement physique (dont la structure est déterminée surtout par des contraintes géologiques qui définissent le drainage des sols) et écologique (dont les principaux paramètres sont de nature éthologique, entre autre celle de la proxémie chère à Edward Hall).
Une étape dans une lumière généreuse, une nourriture abondante, une température agréable: les oiseaux dans leur grande sagesse ne prennent que le meilleur de la Sibérie. Ils seraient par ailleurs très surpris de notre image mentale de cette partie du monde, un désert froid et glacé dont nous craignons surtout la fonte du pergélisol!
A l'approche de l'équinoxe d'automne et avec les jours qui commencent à raccourcir vient le temps du retour vers le sud, en famille élargie cette fois. Les étapes sont plus courtes, avec une étape de 15 jours à mi-chemin entre l'estivage et la réserve de Magadan dans une zone inondée proche d'un grand fleuve qui se traine dans une plaine argileuse.
Début octobre, après le saut par dessus la mer d'Okhthosk, la migration vers le sud marque un temps d'arrêt avec une assez longue station au nord de l'ìle de Sakhalin.
Est-ce pour y laisser passer le cyclone qui remontait cette année là vers le Nord? C'est une hypothèse possible, J901 ne volant vers le sud que 10 jours après le passage de cette très grosse dépression. Le cyclone est représenté par des points rouges dont le diamètre varie en fonction de la vitesse du vent au niveau de la mer, le petit chiffre indiquant quel jour du mois d'octobre le vent soufflait avec cette force. Le canard connait des sites affriolants de nourriture à 1'000 kilomètres de sa route de migration vers le Nord, intègre-t-il également la présence d'un cyclone à quelques milliers de kilomètres au Sud? Comment tire-t-il ces informations de son milieu sans GPS et satellite météo? Si seulement nous en avions une idée raisonnable ! |
En guise de conclusions canardesques
Si nous avions suivi l'oiseau avec le matricule de J904 (les points verts sur la carte à gauche), nous aurions vu un tout autre itinéraire, et l'histoire qui en aurait émergé serait assez différente. Sur le site du département de l'intérieur où se trouvent ces données, il y a de nombreux documents sur le senseur, la récolte et le traitement des données et leur plausibilité. La qualité des données est ainsi garantie, mais lors du traitement de ces données, Qui a senti l'odeur des mares printanières ? Qui a entendu le vrombissement des moustiques dansants par millions dans le ciel ? Qui a perçu le grand Nord comme une terre de lumière et d'abondance ? Qui a frémi sous la caresse du vent sur ses ailes lors de la traversée dre la mer ? Qui a angoissé à l'idée de finir dans un ouragan ? Qui a adapté son comportement au milieu urbain pour y tirer ressources et abri en hiver ? |
Ces sentiments ne sont-ils plus intéressants que d'aligner des chiffres pour nourrir un ordinatueur de poésie ? Seul l'utilisateur peut en décider autrement...
Voici une histoire complétement différente, avec des animaux terrestres qui ne peuvent se déplacer que sur terre ou éventuellement sur la banquise mais ne peuvent ni voler ni nager pour se déplacer. Il s'agit des renards arctiques, des animaux parfaitement adaptés à ces climats boréaux extrêmes.
Commençons par admirer le balancement de la calotte glaciaire arctique entre janvier 2009 et décembre 2014. Sur ce mouvement cosmique vient se greffer le mouvement d'une quantité variable de renards arctiques. Ils passent par différentes phases, limitant parfois leur mouvements à de courtes excursions autour d'un point central, et entreprenant soudain à divers moments de l'année de grandes expéditions qui les amènent aux confins de la banquise ou sur d'autres iles.
Après l'air pour le canard et la terre pour le renard, voici une espèce marine qui se déplace dans l'eau et se hisse parfois sur la glace pour se laisser dériver: le morse du Pacifique, (encore) séparé de son cousin de l'Atlantique par la masse de glace polaire qui empêche toute communication - y compris génétique - entre ces espèces.
Ici nous verrons battre le coeur climatique entre 2007 et début 2011. En plein hiver, il y a fort peu de signaux émis par les morses, car ils passent une grande partie de leur temps dans l'eau glacée entre des morceaux de banquise, ce qui limite au minimum la possibilité d'envoyer un signal capté par satellite.
Repartons dans les airs, pour suivre d'autres oiseaux, les cygnes de la toundra cette fois-ci, dont toutes les positions sont représentées par des points rouge-bruns. Les images seront plus complètes ici, car nous y verrons la banquise se former puis fondre puis se reformer, mais également le terre se couvrir d'un voile blanc lorsqu'elle est enneigée et redevenir verte ou brune lorsque le soleil l'a fait fondre.
Sur la carte de droite nous voyons deux errances différentes, celle d'un cygne de l'ouest en rouge et celle d'un cygne de l'est en jaune-vert. |
La carte de gauche résume 18 mois de la vie d'un cygne fréquentant la côte ouest des Etats-Unis, migrant de la Californie vers l'Alaska par les Rocheuses. La carte de droite nous montre les migrations d'un cygne pendant 3 ans, passant parfois l'hiver en Floride sur la facade Atlantique, puis repartant au nord par les grands Lacs puis et en longeant les Rocheuses vers l'Alaska. Les animations sont quasi synchronisées la moitié du temps et en opposition de 6 mois l'autre moitiée du temps, ce qui permet de meiux observer le cycle annuel de croissance et décroissance de la couche enneigée. Entendez-vous l'inspiration puis l'expiration journalière, mensuelle (plaquées sur le passage de la lune) et annuelle (plaquées sur le cycle solaire) du cygne, de la toundra, de la banquise et du voile neigeux? Bienvenue dans le concert de le musique sidérale que ces cartes dévoilent!
Bien sûr, la migration des cygnes est fascinante et nous allons voir plus précisèment quelques étapes du périple annuel. Mais il faut bien avouer ici que c'est la variation de la surface enneigée qui m'a le plus frappé; comment ne pas s'interroger sur la similarité de forme entre l'avance annuelle du front neigeux et les cartes qui retracent l'avancée et le recul des Inlandsis qui caractérisent le quaternaire ?
Selon la théorie du chaos, il existe des formes qui se reproduisent à toutes les échelles, l'exemple le plus simple étant un cube dont on ferait augmenter la taille: il pourra toujours se combiner d'autres cubes pour former des cubes de plus en plus grand. Ce qui est intéressant dans cette observation est d'isoler un objet invariable quel que soit l'échelle auquel on le regarde. Un tel objet est nommé un objet fractal, qui a des propriétés étonnantes. L'inspiration puis l'expiration semble bien avoir cette propriété fractale, qui serait caractéristique de la vie. C'est déjà ce que proposait Goethe dans sa théorie de la métamorphose des plantes, lorsqu'il explique la construction d'une plante par une succession de dilatations, comme par exemple les deux premières feuilles, une tige, une fleur, un fruit puis de contractions comme par exemple un noeud d'où repartiront 2 feuilles, l'ovule qui succède à la fleur, la graine qui succède au fruit... Faut-il un regard de poète pour admirer le monde, ou un monde admirable aiguise-t-il notre sens de la poésie à chaque fois que nous observons la création autour de nous?
Ce raisonnement ne valait pour l'instant que pour des objets spatiaux, je n'ai jamais lu ou entendu parler d'objets fractals dans le temps même si la théorie de Goethe exige évidemment une chronologie. Nous retrouvons les traces des grandes glaciations sur le continent et sommes par conséquent capables de reproduire leur expansion puis leur fonte. En visualisant l'expansion puis la fonte d'une couverture neigeuse, de nouvelles perspectives s'ouvrent pour explorer le passé: tout comme l'ontogenèse retrace la phylogenèse, l'année climatique retrace l'évolution climatique à long terme. Conceptuellement, cela fait de la variation annuelle de couverture neigeuse un objet fractal temporel qui se décline à l'échelle de l'année solaire (365 jours, soit 10 puissance 0 années), des cycles de Milankovitch (40'000 et 100'000 ans, soit 10 puissance 4 à 5 années) et des grandes glaciations durent des millions d'années (soit 10 puissance 7 à 8 années).
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Les cygnes avaient une histoire magnifique à nous raconter, celle de la vibration continue du front froid qui les chasse vers le Sud l'automne venu, puis les attire vers le nord le printemps venu. Cela pose la question de savoir sir les migrations annuelles ne seraient pas un développememnt biologique relativement récent, lié aux glaciations quaternaires. Une accélaration de l'évolution par une alternance plus rapide de climats chauds et froids aurait permis l'émergence de la consicence, mais aussi donné une nouvelle plasticité aux écosystèmes,